Dans la ville

Vue de Delft – 1660-1663 – Mauritshuis
Delft à cette époque est en plein boom économique. Vermeer la représente comme il l’aime, tranquille, le matin vers 7 heures. Il crée un effet de profondeur en représentant le premier plan dans l’ombre. Le tableau semble d’une précision photographique, et pourtant la vie qui y est représentée est imaginaire.

La ruelle – 1658-1661 – Rijksmuseum
La façade est représentée avec une précision réaliste extrême, fissures, briques, salissures. Les personnages sont calmes, ils vaquent à leur occupation domestique. Vermeer a fait disparaître une femme qui se tenait devant la porte à gauche de la rue, mieux tirer l’oeil à l’intérieur de la rue, et amplifier ainsi l’effet de profondeur.
La quête de tranquillité

Une jeune fille assoupie – 1656-1657 – NY Metropolitan
En 1696, ce tableau fut mis aux enchères avec le titre « une jeune femme ivre qui dort ». Il y avait un homme et un chien dans la pièce à l’arrière plan. En effet le pli du tapis et la chaise suggèrent une présence humaine peu avant. C’est le premier tableau dans lequel Vermeer a essayé son nouveau style. Nos yeux vont droit à la jeune femme endormie de la table, et ce sont les détails qui raconte l’histoire silencieuse.

La liseuse à la fenêtre – 1657 – Dresde
Sur le mur, Cupidon est réapparu pendant la restauration de 2017, c’était comme si la peinture révélait son secret… A l’origine, une deuxième chaise avait été peinte devant la table. Vermeer a préféré peindre par dessus le rideau en trompe l’oeil qui semble accroché au cadre de Cupidon. La scène devient ainsi encore plus intime.

La laitière – 1658-1661 – Rijksmuseum
C’est le point culminant dans la recherche du calme par Vermeer. Pour la mettre au premier plan, Vermeer utilise une astuce : à gauche, ses vêtemens sont légèrement flous, sur un mur à l’ombre, alors qu’à droite la manche se détache sur un fond clair. Au début ce mur portait une étagère porte-cruche, et un grand panier gisait au sol. Vermeer a changé d’avis pour créer un calme et une atmosphère reposante. Alors maintenant la laitière bien que silencieusement commande toute l’attention dans la pièce, son regard nous conduit à la tâche dans lequel elle est si complètement absorbée, dans le silence.
Se rapprocher

La femme en bleu lisant une lettre – 1663-1664 – Rijksmuseum
En comparant ce tableau avec le précédent, nous constatons que l’atmosphère est encore plus épurée. Par de rideau, pas de cupidon au mur, même pas de fenêtre. La lumière bleutée suggère une heure matinale. Elle porte encore son élégante veste d’intérieur. Ses lèvres légèrement écartées semblent prononcer des mots. La veste bleu clair et le ruban orange sur sa poitrine ressortent et attirent notre regard vers la lettre, qu’elle serre contre son sein. La carte au mur donne-t-elle un indice du contenu de la lettre ?

La dentellière – 1669-1670 – Louvre
Cette activité très répandue eu 17e siècle ne constitue pas un thème très original. Mais Vermeer la peint comem si nous étions très rpoches d’elle. On peut voir les fils fin entre ses mains. Les fils rouges et blanc, au premier plan à gauche, sont plus flous, ce qui renforce notre impression de proximité avec elle. Vermeer a choisi consciemment de créer cet effet légèrement flou, en utilisant des lignes mince, couches de peinture translucide. Il a utilisé cette différence de mise au point pour donner un sentiment de profondeur.
Prendre de la distance

La leçon de musique – 1662-1664 – Londres Collection Royale
La lumière coule par la fenêtre. La grande distance qui nous sépare des musiciens est renforcée par le beau carrelage bleu. L’homme debout serait-il un professeur de musique ? Ses lèvres entrouvertes suggèrent plutôt un homme qui chante. Un professeur de musique porterait-il une telle ceinture et une épée sur la hanche ? Le miroir suggère que la femme, qui, de dos, parait concentrée sur son jeu, lance en fait des regards en coin… Dans ce même miroir, on croit voir le pied du chevalet du peintre. Vermeer s’inviterait-il dans la scène ? Et nous inviterait-il à nous asseoir sur la chaise vide et saisir la viole de gambe pournen jouer ?

Le concert – 1663-1666 – Boston
Dans ce tableau comme dans le précédent, Vermeer nous tient à distance. Il semble que nous soyions en compagnie distinguée : belles toilettes, sol en marbre luxueux… Les tableaux sont-ils des indices pour décrypter le sens de la scène ? La beauté des paysages en parallèle de la beauté de la musique ? Mais le 3ème tableau représente une oeuvre qui a accompagné Vermeer dans sa maison natale : une entremetteuse négociant avec un client potentiel de la prostituée au luth. L’excitation qui émane de ce tableau, son exubérance permet à Vermeer de souligner le contraste avec la concentration calme des musiciens. La distance n’empêche pas de ressentir l’intimité de la scène.

La lettre d’amour
Nous sommes dans une pièce sombre, avec une carte à gauche et une chaise à droite. Vermeer fait de nous ici des intrus. Les pantoufles et le rideau renforcent cette distanciation. La servante interrompt la musicienne pour lui remettre une lettre importante. Quel indice nous suggère le tableau représentant la mer ? Est-ce le symbole des tumultes de l’amour, tantôt calme et paisible, tantôt orageux et risqué ? Ou le symbole de la fidélité envers un amant éloigné ?…
Fenêtres vers le monde
Presque tous les tableaux de Vermeer représentent des intérieurs de maison, et renforcent l’atmosphère domestique en faisant allusion au monde extérieur inconnu : un visiteur, une lettre, une carte, des fenêtres en général placées sur le côté gauche…

L’officier et jeune fille riant – 1657-1659 – NY Frick Collection
La jeune femme semble impressionnée et ne se laisse pas distraire par les bruits de la rue qui passent par la fenêtre ouverte. La pause confiante de l’homme et son chapeau impressionnant en font un personnage important dans le monde extérieur. Vermeer donne du volume au verre tenu par la femme en le peignant avec des petits points et des traits de couleur. Il utilise la même technique pour donner vie au visage de la femme. Vermeer peint l’homme beaucoup plus grand, mais on les voit assis près l’un de l’autre, et cet effet nous rapproche encore d’eux, jusqu’à ce que nous fassions partie de leur conversation. La fenêtre de ce tableau est une des seules qui laisse passer un coup d’oeil sur le monde extérieur : blanc des nuages, teinte rougeâtres des bâtiments… Mais eux n’ont d’yeux que l’un pour l’autre…

Femme écrivant une lettre, et sa servante – 1670-1671 – Dublin
Le monde extérieur est représenté ici par le regard de la servante. Tout comme nous avec nos écrans, cette femme trouve sa distraction en observant les allées et venues du monde extérieur… La lettre aussi parle de l’extérieur. Vermeer utilise des formes géométriques pour peindre le vêtement de la femme qui écrit. Est-ce pour marquer sa précipitation ? Quelle est cette lettre décachetée et froissée qui git au sol ? le tableau qui représente Moïse sauvé des eaux suggère-t-il l’annonce d’un événement important et troublant ?

La femme au luth – 1662-1664 – NY Metropolitan
Cette femme aussi se distrait en regardant vers l’extérieur, tout en jouant du luth, entourée de livres. Cette viole de gambe souvent présente dans les tableaux, et jamais jouée, évoque-t-elle l’arrivée prochaine d’un joueur qu’attend sa chaise ? La carte accrochée au mur rajoute un autre monde extérieur, celui de l’Europe, offrant une perspective de plus à cette femme enfermée dans sa pièce.
Femmes écrivant des lettres
Vermeer aime peindre des lettres… Une peinture sur six ont pour sujet une lettre. Aucune lettre de Vermeer ne nous est parvenue. Mais les regards, la respiration, la rougeur des joues ou les petits sourires de ces femmes montrent le rôle important que jouaient les correspondances au XVIIe siècle. La plupart des gens étaient lettrés, et les échanges de courrier offraient un espace de liberté et d’intimité aux femmes, comme à leurs amoureux. Un moyen de se connaître mieux en dehors de la présence des parents…

Jeune femme écrivant une lettre – 1665-1667 – Washington
Elle nous a remarqué, et nous adresse même un petit sourire. Nous ne la dérangeons pas. Le tableau qui représente une viole de gambe rappelle que la musique est le symbole de l’amour. On la voit dans un intérieur précieux, assise sur une chaise espagnole aux têtes de lion, avec un coffret orné de perles, provenant de l’Inde. Ce coffre contient probablement son matériel d’écriture, et peut-être aussi ses lettre d’amour ?Tous ces indices évoquent la prospérité qu’apporte le commerce lointain. Elle fait partie de ces femmes distinguées, lettrées qui aimaient écrire dans une ambiance tranquille, douce…

La lettre d’amour – 1666-1670 – Rijksmuseum
Cette femme est interrompue dans sa rédaction de lettre. Sa servante surgit du noir et semble lui confier un secret. Les servantes avaient la possibilité de sortir dans le monde extérieur, elles servaient de messagères. Vermeer avait à l’orignie peint un arrière-plan, avec un tapis ou plusieurs personnages. Il a préféré assombrir le fond, créant ainsi une atmosphère dramatique. A nous de trouver… pas d’autre indice du contenu de la lettre.
Un visiteur charmant
Des visiteurs élégants, arrivant de l’extérieur, et offrant un verre de vin viennent troubler la quiétude des intérieurs peints par Vermeer… Dans la seconde moitié du XVIIe siècle, la recherche de plaisir et l’attrait de la séduction remplacent la décence et les bonnes manières…

Le verre de vin 1658-1660 – Berlin
Ce jeune homme semble bien pressé de donner du vin à boire alors qu’il n’a même pas encore retiré son manteau ! Vermeer centre le regard sur la cruche en l’auréolant avec la manche du visiteur… Quant à la femme, elle porte une robe en soie, d’un rouge éclatant, décorée de brocarts en fil d’or. Elle a soigné sa tenue pour ce visiteur ! Ma fenêtre porte les armoiries d’une famille distinguée. Elle a posé son luth et ses partitions sur la chaise. Quant au tableau, il représente une cascade. Est-ce le symbole de sentiments tumultueux, à venir après un… ou deux verres de vin ?

La jeune fille au verre de vin – 1659-1660
Cet intérieur ressemble à celui du tableau précédent. Toutefois l’atmosphère y est plus festive ! on dirait même que la femme nous invite à nous joindre à eux… Une fois de plus, Vermeer attire notre attention grâce à la manche du costume masculin : il représente leurs deux mains presque jointes, qui renforcent l’attitude pressante de son regard. Elle semble ravie. Il est rare de voir au XVIIe s un tel sourire, avec les dents visibles. Et qui est donc cet homme qui dort après avoir mangé et surtout bu ? Le portrait digne du tableau semble évoquer un ancêtre valeureux… Que pense-t-il ?

La leçon de musique interrompue – 1659-1661 – NY Frick collection
Ce tableau est postérieur aux précédents. Vermeer reprend la composition, mais plus rapprochée. Que signifient ici le vin et la musique, le vêtement d’intérieur très informel de la femme ? Que tente-t-elle de nous dire par son regard ? Le Cupidon que l’on distingue à peine sur la peinture du mur nous envoie-t-il un message ? Sans doute le visiteur en manteau vient-il de faire irruption…
Séduction
Ces tableaux où les femmes portent des coiffes exotiques ne sont pas des portraits, mais des études. Vermeer s’inscrit ici dans la tradition néerlandaise des peintures de « trognes », mélange de réalité et de fantaisie. Regards puissants et lèvres humides chargent l’atmosphère de sensualité.

La jeune fille à la perle – 1665-1667 – La Haye Mauristhuis
Regard espiègle, lèvres entrouvertes, peau parfaitement lisse, proportions parfaites, tout ici reprend les canons de beauté de l’époque. Elle est trop parfaite pour être vraie ! Elle porte un turban turc, couvre-chef masculin en Turquie, inhabituel en Hollande. Son manteau lui est habituel, mais pas de cette couleur jaune. Enfin la perle aussi est rêvée : Vermeer, peintre encore inconnu à cette période, ne pouvait pas posséder un tel bijou.

Portrait d’une jeune femme – 1665-1667 – NY Metropolitan
Un portrait est une peinture de personnages réels, dans des poses avantageuses, et des vêtements de luxe. Ce tableau peut sembler un portrait, mais n’en est pas un. Ses vêtements évoquent l’époque classique, mais la perle qu’elle porte en fait une femme du XVIIe s, et non de l’antiquité. Sa peau si lisse est étrange dans un siècle où sévissait la variole qui laissait souvent une peau grelé. Elle n’a ni cils ni sourcils, car telle était la mode à cette époque. Cela permet à Vermeer de focaliser encore davantage notre attention sur son doux regard. Le choix du fond sombre rappelle celui de la jeune fille à la perle.

La fille au chapeau rouge – 1665-1667 – Washington
Ce tableau a souvent été qualifié de romantique, tant à cause de la riche composition du fond que de la sensualité du travail de la lumière sur le visage. Quant à son chapeau, sorte de béret allemend, il était couramment porté à cette époque, mais par les hommes seulement. Elle porte aussi un châle, plus luxueux que celui de la femme précédente. De même, la perle est trop grosse pour être vraie ! Là encore Vermeer exécute un portrait de fantaisie. D’ailleurs, on peut remarquer que cette fois la lumière vient de la droite, ce qui va à l’encontre de ses autres peintures d’intérieur réalistes.

La fille à la flûte – 1665-1670 – Washington
Encore une peinture de « tronie », dans la lignée des trognes. Le chapeau cette fois évoque l’Asie. Les tissus chinois rayés sont devenus à la mode au XVIIe s. Le vêtement est une veste d’intérieur, attirant notre regard dans l’intimité de cette femme. Ici encore, lèvres à peine entrouvertes, brillantes comme les perles d’oreille sont les symboles de l’érotisme, plus subtils qu’un sein nu ou un geste suggestif.
La musique
Plus d’un quart des oeuvres de Vermeer contiennent des instruments de musique. Plusieurs d’entre eux font partie du sujet central. Ces quatre tableaux ont été peints à la fin de sa vie. il nous introduit au sein de la scène.

Une dame debout au virginal – 1670-1672
Les familles aisées avaient toutes un piano. Les deux peintures de paysage sont des copies de Peter Antonisz van Groenenwegen. La frise au dessus du carrelage est formée de carreaux de faïence de Delft, contemporaines de Vermeer. Vermeer utilise ici sa technique picturale habituelle, faite de tâches, de traits… Cupidon suggère-t-il l’arrivée d’un autre musicien ?

Une femme assise au virginal – 1672-1675 – Londres National Gallery
Ces deux peintures formaient-elles un vis-à-vis ? Elles sont peintes sur la même toile. La viole de gambe de ce tableau occupe le premier plan, technique pour créer de la profondeur qui nous est familière de nos jours, mais était novatrice à cette époque. La simplification des formes révèle une nouvelle approche stylistique. Les plis de la robe forment des motifs plats, créant moins l’illusion de matière que dans les autres oeuvres de Vermeer. On retrouve le tableau de Dirck Van Baburen, l’entremetteuse, déjà présent dans le concert. Le divertissement et le vice, symbolisé par le luth, sont confrontés à la tempérance et l’harmonie de l’amour raffiné que symbolisent le virginal et la viole de gambe.

Une femme jouant de la guitare – 1669-1672 – Londres Kenwood House
L’effet de surface de la soie blanche et brillante de la robe est l’une des prouesses de l’illusionnisme de Vermeer.

Une jeune femme assise au virginal – 1670-1672- ? – Collection particulière
Le ciel et la terre

L’astronome – 1668 – Louvre
L’astronome et le géographe sont manifestement deux tableaux destinés à être placés en pendant l’n de l’autre. Même toile, même format, sujet en correspondance. Nous n’en connaissons pas le commanditaire. Ces deux disciplines apparentées (astronomie et géographie) étaient pariculièrement cultivées aux Pays Bas. Ils entrent en interaction en ant qu’allégories du ciel et de la terre. Au XVIIe s aux Pays Bas, Astronomie et géographie représentent deux formes de la cosmogonie. Le savant représenté est le même dans les deux tableaux, physionomie, coiffure et habit sont identiques, ce qui laisse supposer qu’ils ont été l’objet d’une commande, et que le commanditaire y est représenté. L’astronome obsere un planisphère céleste. Le tableau sur la droite représente Moïse sauvé des eaux.

Le géographe – 1669 – Francfort sur le Main
Le géographe, lui, interrompt son mouvement. Il regarde le lointain d’un air songeur. Sur l’armoire est posé un globe terrestre de 1618. Des cartes enroulées gisent sur le sol, d’autres sont sur la table.
Peintures allégoriques
Vermeer lors de son mariage a du se convertir au catholicisme. Il peint quatre tableaux allégoriques qui évoquent sa foi catholique.

La dame au collier de perles – 1663-1664 – Berlin

La femme à la balance – 1663/1664 – Washington

La jeune femme à l’aiguière – 1662-1664 – NY Metropolitan

L’allégorie de la foi – 1671-1674 – NY Metropolitan
Une femme assise, aux pensées profondes, représente le Nouveau testament. Ce tableau met mal à l’aise, il occupe une place à part dans l’oeuvre de Vermeer. Il suit les recommandations de Cesare ripa : une robe blanche symbole de lumière, une bleue symbole du ciel. Le serpent symbolisant le diable est écrasé. La pomme du péché originel est présente. Le pied posé sur un globe est parlant. Voir aussi la boule de verre au plafond.
Les débuts

Jésus chez Marthe et Marie – 1655 – Edimbourg
Une des premières oeuvres de Vermeer.

Sainte Praxède – 1655 – ? – Collection particulière
Attribution contestée

Diane et ses compagnes – 1654 – La Haye Mauritshuis

L’entremetteuse – 1656 – Dresde
L’art de la peinture

L’art de la peinture – 1666-1668 – Vienne
Ce tableau est resté dans l’atelier de Vermeer jusqu’à sa mort. C’est une allégorie, et non une scène de genre. Rien ne permet de parler d’un autoportrait du peintre. En restant anonyme, ce peintre acquiert une portée universelle. Le sujet féminin est Clio, la muse de l’histoire. Ses attributs sont ceux énumérés par Cesare Ripa dans son Iconologia